LE NATIONALISME ENFIN BAPTISÉ...

par lulo Jeu 03 Déc 2009, 13:13

Trouvée sur le blogue de la Charte de Fontevrault (providentialiste "pur", pour les néophytes), une citation de Jean Madiran dans Présent, le quotidien des nationaux-catholiques, et qui est très révélatrice:

« Son histoire l’a faite (La France) fille aînée de l’Eglise. A l’origine ce fut le royaume des Francs, ou plus exactement son roi qui reçut le titre héréditaire de fils aîné. La nation se considérant comme héritière de la couronne se l’attribua aussi bien sous Napoléon III que sous la République et la Papauté légitima ce transfert. Une fille reste une fille même quand elle méconnaît ou renie sa mère : une fille l’ est par sa naissance et le restera toujours. L’identité d’une nation provient en effet de sa naissance, les mots eux-mêmes le proclament."

Pour dissiper toute ambiguïté, il faut savoir que cette expression "France fille aînée de l'Eglise" est à peine centenaire (1896... quatre ans après le Ralliement...): elle a été lancée par le cardinal Benoît Langénieux (1824-1904), archevêque de Reims, en 1896, lors du XIVe centenaire du baptême de Clovis.

Jean Madiran (je n'étonnerai personne en disant que M. Madiran est un ancien pétainiste et fervent soutien du sieur Le Pen...) signale justement que c'est le Roi qui est traditionnellement désigné comme Fils aîné de l'Eglise: notons bien que ce n'est pas à la personne mais à la fonction que s'attache ce titre.
Le reste est emblématique:

"La nation se considérant comme héritière de la couronne se l’attribua"

1)-De quel droit? La souveraineté ne lui appartient en aucune manière: "La nation ne fait pas corps (politique) en France, elle se résume toute entière dans la personne du Roi" Louis XIV.

2) Voilà comment on entérine sans en avoir l'air la Révolution...

"la Papauté légitima ce transfert."

1) De quel droit? Le pouvoir temporel n'est pas de sa compétence directe, et c'est Dieu qui délègue directement son autorité aux monarques. Cette légitimation s'est surtout faite dans la pratique, et dans certains documents douteux, comme l'encyclique sur le Ralliement.

2) Voilà une idée qui nous ramène finalement à la théocratie médiévale, à l'idée que le Pape est souverain dans le spirituel et le temporel. Cette doctrine augustiniste, battue en brèche aux XIII°-XV°s., avait resurgi à l'époque moderne (Suarez, Cajetan-voyez la réfutation de leurs thèses dans le Manifeste) et on voit comment ce cléricalisme s'accomode somme toute assez bien depuis deux siècles du nationalisme.

En un mot, voilà comment on alimente et justifie auprès de certains tradis le nationalisme et, surtout, le libéralisme pratique.

par **Mickaelus** Jeu 03 Déc 2009, 15:28

C'est une mise au point très nécessaire que je vous remercie d'avoir publiée ici.

Je dois avouer que jusqu'à il y a peu, avant que vous ne nous le fissiez remarquer lors de quelque discussion sur le forum, je ne m'étais pas rendu compte du sens ni de l'effet pernicieux de cette expression, ni n'avais jamais eu l'idée d'en rechercher l'ancienneté ou tout simplement l'origine. Il est on ne peut plus vrai que le "roi fils aîné de l'Église" est infiniment plus plaisant pour une oreille légitimiste Smile

. D'ailleurs, cela me fait penser que mon blog mérite quelques corrections dans ce sens.

par lulo Jeu 03 Déc 2009, 20:30

Il n'y a pas de quoi! Le tort de cette expression est d'être ambigüe: elle peut très bien être comprise de manière purement allégorique, mais elle a été tellement galvaudée dans un sens national-catholique qu'elle a perdu la neutralité qu'on pouvait lui donner au départ.
Mais il faut bien reconnaître que c'est une expression qui a connu une belle fortune, vous la trouverez même dans certains textes de VLR.
La formule traditionnelle du Roi de France fils aîné de l'Eglise (et même fils aîné du Sacré-Coeur, d'après Ste Marguerite-Marie) a bien besoin d'être remise "à la mode": une tâche supplémentaire nous attend!

par V.F.H.78 Ven 04 Déc 2009, 08:27

Merci beaucoup pour ces éclaircissements cher lulo. Je ne savais pas tout cela.

par Mavendorf Ven 04 Déc 2009, 20:16

Merci beaucoup Lulo, pour ces excellentes précisions !
J’avoue que moi aussi, j’ai pendant très longtemps fait cette erreur. Avant que notre cher président me le fasse remarquer au cours de mon séjour en Bretagne…
C’est bien vrai, c’est le Roy de France qui est le fils ainé de l’Eglise. Et comme tu le dis si bien, désormais « une tâche supplémentaire nous attend !! ».