[Annulé] La retraite d'un projet, mais l'éternité d'une idée

Comme ceux qui lisent les présentes lignes – et qui sont par conséquent susceptibles de fréquenter ce lieu du fait de quelque attachement ou d’une certaine nostalgie, voire d’un hasard improbable – l’auront probablement remarqué, la lecture de l’essentiel du forum n’était plus possible que pour ses membres au cours des derniers mois, contrairement à ce qui était établi depuis sa fondation en 2007, car jamais il n’a existé de rubrique cachée.

Que ce forum ait connu une lente agonie après ses toutes premières années d’existence n’est un mystère pour personne mais, puisque la quantité n’avait jamais été un objectif pour moi, j’avais accepté l’idée, une fois revenu de ma longue absence de deux ans en 2012, de le faire perdurer tant qu’il resterait, de temps en temps au moins, quelques fidèles désireux de le faire vivre, d’autant que la qualité de rares échanges vaut sans doute bien mieux qu’une médiocrité profuse par trop courante sur la toile. Mais enfin, l’endroit a fini par être totalement délaissé, si bien qu’il ne restait plus personne pour y écrire ni remarquer que sa création remontait à dix ans déjà en octobre 2017.

Rien n’est immortel en ce bas monde, et si les commencements d’internet ont pu en donner l’illusion il y a dix ans et un peu plus, celle-ci n’était probablement que le fruit de l’enthousiasme ressenti face à un nouveau medium aux ramifications prometteuses. Elles le sont toujours en un sens, mais l’environnement dans lequel ce forum a vu le jour a bien changé depuis lors : des fora royalistes bien établis ont disparu tandis que d’autres ont pris leur essor, et le poids des réseaux sociaux a pris quant à lui une importance que j’eusse été bien en peine de prévoir alors. Surtout, la naissance de ce forum était le fruit d’une initiative personnelle et spontanée, qui accompagnait en quelque sorte mon cheminement intellectuel au niveau politique.

Justement, s’il se trouve, parmi mes anciens compagnons en ces pages, des personnes pour se poser des questions à cet égard, qu’il me suffise de leur assurer que la situation de ce lieu n’est en rien tributaire d’un changement de ma part quant à ce en quoi je crois toujours profondément. Mais il est une différence entre moi et nombres de royalistes déclarés sur la toile : je ne me sens pas l’âme d’un militant politique au sens ordinaire. Je n’éprouve pas le besoin des sites officiels, que ce soit sous la forme d’un forum ou d’une page d’un réseau social, car j’estime que la pensée juste ne s’exerce pas d’abord par ces cadres, qui sont des structures d’organisation mais qui ne fondent pas la validité d’une idée. Et il est plutôt heureux et rassurant qu’une idée légitime doive survivre à quelque site ou mouvement éphémère.

Après le constat de cette singularité qui faisait promouvoir le légitimisme de manière solitaire, quitte à passer pour hérétique ou du moins hétérodoxe, solitaire par rapport au politique mais surtout pas par rapport à la tradition royale française, ce qui ne me paraît pas tout à fait infondé quand l’on constate, par exemple, que Maistre et Bonald seuls survivent bien mieux que le parti des ultras par exemple, il faut dire un mot, rapide car ce n’est pas vraiment l’objet de ce message, du problème politique royaliste. Car s’il est plaisant d’échanger et de disserter avec courtoisie sur l’histoire et la religion, le fait qu’il n’existe pas de projet de conquête du pouvoir n’aide pas beaucoup à attirer des curieux qui ne voient là souvent, pour employer ce terme si souvent rejeté par le prince Louis de Bourbon, que de la nostalgie. Alors, faute de curieux venus s’inscrire afin de s’instruire, comme je l’eusse bien aimé, l’on se retrouve à croiser le fer avec des royalistes de la branche cadette ou de la ligne libérale, ou bien à tourner en rond, comme dans ces salons aristocratiques de la Restauration bien décrits par Balzac. Et ce n’est certes pas à un particulier de prétendre définir ce qui appartient à l’héritier des Capétiens, Louis de Bourbon, qui choisit ses conseillers en âme et conscience, bien qu'il faille toujours que des preux aient le courage de défendre la Tradition de par une sagesse non partisane - ni courtisane.

Ainsi, pour en revenir au propos initial de ce sujet, j’avais le choix entre plusieurs possibilités, une fois le dernier débatteur du forum parti à son tour l’année dernière : supprimer l’endroit purement et simplement, ou bien, comme actuellement, le maintenir en accès restreint pour les anciens membres, ou bien encore le rendre consultable librement comme une archive publique et un témoignage de la dernière décennie – il va de soi qu’il n’est plus question pour moi d’alimenter ces pages de manière solitaire, comme on voudrait s’acharner à rendre la vie à une dépouille. C’est la troisième solution que j’ai choisie, parce qu’il m’apparaît que c’est ce qu’il y a de plus respectueux à faire vis-à-vis des membres qui ont pris parfois beaucoup de temps pour rédiger des réflexions souvent poussées et très intéressantes. J’en profite donc pour remercier sincèrement et chaleureusement toutes les personnes qui ont contribué aux débats qui ont eu lieu sur le forum, et je ne doute pas que tous ceux qui ont des convictions royalistes et légitimistes profondes, font en sorte de les faire valoir à leur manière aujourd'hui encore.

Mes salutations à tous !

C’est presque étrange pour moi que d’écrire à nouveau sur ce forum, plus de trois ans après ce message a priori conclusif publié un 21 janvier (jour funeste s’il en est pour la France), même si je dois souligner qu’Alain (notre ami Calliope, tel que nous l’avons connu jadis) nous offre un beau symbole en revenant nous visiter en un temps de Pâques ô combien propice au renouveau.

Je suis toujours heureux de savoir que cet endroit a pu marquer d’honnêtes gens dans leur vie et contribuer à les faire cheminer vers plus de connaissance et d’amour de la France, et je n’aurais évidemment rien contre l’idée d’Alain, à savoir remettre notre forum à la disposition de nouveaux inscrits qui voudraient échanger avec nous sur les principes royalistes et légitimistes, ou qui se demanderaient comment ceux-ci pourraient s’inscrire dans le monde d’aujourd’hui et l’influencer.

Néanmoins, la question ne se pose pas si différemment d’il y a quelques années, car ce « nous » que j’emploie pour les contributeurs de ce forum ne recouvre que peu de personnes désormais. Ce n’est donc pas tant, comme Alain le supposait dans un autre sujet, les quatorze années de gestion (soyons honnêtes, il faudrait déduire de ce compte toutes les nombreuses années de repos !) du forum qui me pèsent tant que cela – même si retrouver le rythme intense des premières années pourrait être difficile, que l’impression de m’acharner en vain sur une formule qui ne semble pas même intéresser, dans une large mesure, les gens qui nous sont proches.

Comme je l’avais laissé entendre dans le message initial de ce sujet, je pense également que les réseaux sociaux suscitent une adhésion de commodité et de façade où l’on n’a qu’à s’additionner les uns aux autres à travers autant de « like » ou de « j’aime », ce qui me rappelle un peu les gens qui s’inscrivaient ici sans jamais se présenter ni écrire quoi que ce fût (d’où le règlement sur les comptes muets supprimés au bout d’un temps).
Malheureusement, beaucoup semblent s’en contenter et penser que cette présence numérique est une vraie force politique. L’on pourrait faire une comparaison intéressante de ce phénomène avec le principe du vote et du suffrage universel, tout aussi illusoires. Quoi qu’il en soit, il est vrai que tous ces sites ont dans une certaine mesure diminué l’attrait des fora comme celui-ci, du fait que le nombre attire souvent le nombre.

Pour autant, l’on pourrait tout aussi bien penser que des royalistes légitimistes ou des gens intéressés par ce thème, auraient justement plutôt tendance à rechercher des lieux d’échanges comme celui-ci, plutôt que d’errer tels des fantômes sur des Twitter qui ne sont bons qu’à « suivre » marques et personnalités en tout genre. Et, comme je le soulignais dans le message de début 2018, je pense qu’il y a aussi, probablement, une désaffection politique qui explique la désertion de ce forum-ci, mais différente de celle imaginée par nos antagonistes libéraux qui ne voyaient dans notre refus du royalisme orléaniste que du sectarisme.
Est-il si certain que les légitimistes, comme le suppose Alain, soient tous partis sur les réseaux sociaux ? Il y a, après tout, toujours des cercles de provinces qui sont actifs comme il y a dix ans, et j’ai même trouvé via moteur de recherche, un nouveau forum d’inspiration légitimiste qui semble avoir été ouvert il y a quelques années, à la suite du forum de nos anciens collègues de l’UCLF. Le problème est donc probablement plus complexe que la concurrence des réseaux.

Je ne répéterai pas inutilement mes interrogations du premier message sur le problème que pose la présentation du légitimisme au néophyte, qui, habitué aux partis républicains, pourrait être déçu de ne pas trouver de projet ou de prêt-à-penser militant pour agir sur le réel tout de suite, et ne verrait alors dans le royalisme que l’entretien d’une nostalgie un peu vaine, toute charmante qu’elle soit. Peu importe, je ne suis pas un militant politique, comme je l’avais précisé, mais j’aime moi aussi le rôle de passeur de mémoire et de philosophe moral, même en application à la philosophie politique.

Et, je pense également comme Alain que si cet endroit peut encore accueillir ne serait-ce qu’une poignée d’honnêtes hommes et de femmes de bien, pour discuter avec courtoisie sur les principes essentiels de la civilisation française et le projet capétien, il mérite bien d’être toujours soutenu, quand bien même les membres n’y écrivent que de temps en temps. Car si je puis administrer ce forum à nouveau, il faut bien comprendre que l’endroit sera aussi ce que vous voudrez en faire. C’était, après tout, la raison principale du message et de la décision de 2018 : s’il n’y a que l’administrateur d’un forum qui y écrive quoi que ce soit, ce forum n’a plus guère de raison d’être.

Alors, je ne puis qu’inviter ceux qui ont aimé et qui aiment encore cet endroit, et qui seraient désireux de le voir fleurir ne serait-ce que modestement à nouveau, à se manifester comme Alain. Si de nouveaux venus souhaitent venir discuter avec courtoisie sur les idéaux de ce forum, ils seront naturellement accueillis avec bienveillance, mais je laisserai également ces lieux à disposition même s’il ne reste que quelques anciens amis qui souhaitent s’y retrouver de temps en temps.

Bien à vous, et dans la fidélité à Dieu et au Roi,

Mickaelus